jeudi 14 janvier 2010

Hubert-Félix Thiéfaine - De l'amour, de l'art ou du cochon

Pas facile d'appréhender l'univers de Thiéfaine. Faut vraiment avoir un état d'esprit particulier pour comprendre son œuvre. La première fois que j'ai entendu ce chanteur pour le moins atypique, je me suis dit que ce qu'il a fumé devait être de la bonne... Regardez un peu la pochette de ce troisième album, paru en 1980. Le ridicule ne tue pas. Encore heureux.
Mais une fois qu'on a réussi à pénétrer dans l'univers de Thiéfaine, on accède à une œuvre de toute beauté. L'art parfois se mérite, même si je l'avoue parfois ce n'est pas évident...

Les sujets de prédilection de Thiéfaine sont la drogue, la bêtise humaine, la folie. Il faut aussi avoir quelque références pour comprendre où il veut en venir. Prenez le titre d'ouverture, Psychanalyse du singe. Il semblerait à la première écoute de la vision du rock business selon Thiéfaine. Mais le singe est en fait une métaphore pour la drogue, il s'agit d'une allusion à un roman de Burroughs, auteur hippie, pour désigner la drogue. Et là les paroles prennent un tout autre sens.
Groupie 89 turbo 6 voit l'évocation du sado-masochisme sur fond d'une mélodie folk-rock, l'air de ne pas y toucher. L'amour mou est remarquable pour ses jeux de mots et ses allitérations. Scorbut, chanté avec un accent bien campagnard par Thiéfaine, aurait pu avoir du succès dans les bistrots: les choeurs en fin de titre s'y prêteraient parfaitement, on pourrait la chanter de la même manière une chanson paillarde.
Comme un chien dans un cimetière, aux influences reggae, montre une fois de plus que Thiéfaine possède un humour particulièrement décalé, plutôt difficile à assimiler. Mais le côté étrange de ses chansons les rendent encore plus attirants.
De l'amour, de l'art ou du cochon tire vers la musique classique et andalouse. Je l'imaginerais bien chantée par un homme malheureux, suppliant une femme à lui pardonner. C'est tout à fait l'ambiance que ce morceau m'inspire.
Le plus bizarre des titres de cet album, c'est bien L'agence des amants de madame Müller aux relents funk, typiques du début des 80's, qui, dans les paroles, voit Thiéfaine participer à un interrogatoire et avouer qu'il était l'un des amants de cete fameuse madame Müller. Celle-ci doit en avoir une liste impressionnante! Pas évident de savoir s'il s'agit juste d'un délire ou s'il y a des références cachées qui m'échappent...
On conclut avec le mélancolique Vendôme Gardénal Snack, tout en finesse, sombre, empreint d'une certaine tristesse que renforcent les arrangements à la flûte traversière. La séparation et la mort semblent être les thèmes de ce titre pas franchement joyeux.

Un album qui doit beaucoup aussi à Tony Carbonare, l'homme de l'ombre, à l'origine de la musique, Thiéfaine ne se consacrant qu'aux paroles. Des titres comme Psychanalyse du singe, Groupie 89 turbo 6 ou Vendôme Gardénal Snack n'auraient pas eu, indubitablement, le même impact sans ses arrangements de grande qualité.

Je le répète, n'apprécie pas Hubert-Félix Thiéfaine qui veut. Issues d'un personnage haut en couleurs et terriblement barré, les compositions du monsieur s'apprivoisent tout doucement.
Un album intéressant, même si ce n'est pas, à mes yeux, le meilleur: je vous recommande également Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s'émouvoir (avec le célèbre La fille du coupeur de joints), Autorisation de délirer ou Soleil cherche futur.

un album à redécouvrir et à déguster sans modération...

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