mercredi 29 août 2012

Kiss - Music from the elder

Pour beaucoup, Kiss, c'est le groupe des quatre blaireaux peinturlurés. Du hard rock sans prétention, juste du divertissement. Pour d'autres, ce sont les poses kitsch, et des titres qui ne le sont pas moins. Prenez un titre comme I was made for loving you: il y a un côté risible qui n'échappe à personne. (Notez que je me suis surpris à chanter dessus un jour où j'étais coincé dans les bouchons. Honte à moi!)
Heureusement pour eux, Kiss, ce n'est pas que ça : c'est aussi des classiques à la pelle: Cold gin, Strutter, Rock'n'roll all nite, Shout it out loud, Love gun pour ne citer que les meilleurs.
Mais en ce début de décennie, l'ambiance est déjà nettement moins à la fête. Le batteur originel a été remplacé pour raisons de divergences musicales par Eric Carr (et on ne perd pas au change). Le guitariste Ace Frehley supporte de moins en moins le leadership de Paul Stanley et Gene Simmons et sombre dans l'alcool. Musicalement, le groupe ne sait plus trop ce qu'il doit faire, notamment après l'échec de l'album précédent, Unmasked. Kiss décide de s'acoquiner à nouveau avec le producteur qui avait œuvré sur Destroyer, album formidable s'il en est.

Ce producteur, c'est Bob Ezrin, connu pour avoir travaillé entre autres sur School's out d'Alice Cooper et The wall de Pink Floyd. Pas mal comme CV. Mais Ezrin reste trop influencé par son travail avec David Gilmour and Co et a eu tendance à vouloir appliquer la même recette avec Kiss. Quand on y réfléchit bien, Kiss faisant un album concept, c'est quelque peu contre-nature. Kiss, c'est du rock pas prise de tête. Si on lui demande d'avoir des considérations métaphysiques, on va droit dans le mur. Et c'est ce qui s'est passé, du moins en partie.

Le concept de cet album, paru en 1981, le voici: un gamin doit combattre des forces maléfiques au cours d'une longue aventure et il est aidé pour cela par les Eldars. Légèrement tirée par les cheveux, cette histoire...
Tout ou presque sent le concept album et la patte de Bob Ezrin sur cette galette. La production est nettement différente des albums précédent, un peu comme si Kiss rencontrait Pink Floyd...
Heureusement, quelques titres sortent du lot: le titre d'ouverture, The oath, n'est pas mal du tout, Dark Light (seul titre chanté par Frehley) et Only you sont du Kiss typique, franc du collier. J'adore notamment le solo de gratte de Frehley sur Dark light. Certainement un de ses meilleurs.
D'autres morceaux sont sympas, sans plus, comme Mr Blackwell, plutôt convenu, de même que l'instrumental Escape from the island ou la premier partie du morceau final I.
Là où j'ai le plus de mal, c'est avec les titres plus calmes. Just a boy, Under the rose, A world without heroes et Odyssey ne sont pas des titres de Kiss pour moi. J'ai l'impression que ce sont des chutes de studio de Pink Floyd, réarrangées par Kiss, Ezrin et par le songwriter de luxe Lou Reed (oui, le type à l'origine du fameux Walk on the wild side) et interprétées par Kiss. Attention, je ne dis pas que c'est mauvais, loin s'en faut, mais pour moi c'est très loin du Kiss habituel. Original, oui, brillant, non. Kiss semble se forcer et le terme qui revient, c'est contre-nature...

Vous l'aurez compris, Kiss était perdu, Kiss a essayé de se refaire une santé, mais ce ne sera pas avec cet album. Personnellement je l'aime bien, malgré tout, pour les morceaux The oath et Dark light principalement. Mais il me faut bien reconnaître que la collaboration entre Bob Ezrin et le groupe est une alliance contre-nature qui pouvait en déstabiliser plus d'un fan. D'ailleurs, le disque a été un flop et aucune tournée n'a permis de défendre cet album devant un public. Dommage... Ceci perturbera encore plus Ace Frehley qui, moralement, n'en pouvait plus.
Heureusement, le sursaut ne va plus trop se faire attendre, avec les deux albums suivants: Creatures of the night (pour moi l'album de Kiss le plus heavy qui soit) et Lick it up. Mais ceci est une autre histoire...

En attendant, si vous êtes ouvert d'esprit et que vous avez une sympathie pour les losers, cet album devrait vous plaire. Pour les autres, Kiss a sorti de nombreux autres disques et il serait étonnant que vous n'en trouviez pas un qui vous plaise.

mercredi 22 août 2012

Can - Can


Can, c'est le groupe de Krautrock qui a proliféré dans les années 70, innovant avec des albums majeurs tels que Ege Bamyasi ou Tago Mago. Krautrock, car ce groupe est allemand et qu'il fait partie d'un mouvement musical jamais vu en Allemagne depuis 1945. Innovant, car il apporte des sonorités jamais entendues jusqu'alors, avec des rythmes répétitifs, le tout étant considéré comme fondateur de la musique électronique, à l'instar de leurs compatriotes Tangerine Dream ou Kraftwerk.

Je vous l'accorde, il faut être dans un état d'esprit particulier pour aimer ce groupe. Passez n'importe lequel de leurs disques à un auditeur lambda et je suis sûr à 99% qu'il ne comprendra pas où ils veulent en venir. L'originalité et l'ouverture d'esprit sont ici de rigueur, bien que ce soit ici le disque le plus simple d'accès, à mon avis. 8 titres, un peu moins de 40 minutes de musique, c'est amplement suffisant, plus de titres auraient rendu l'album difficile à écouter d'une traite.

On commence par un All Gates Open, de toute beauté, avec une basse de Rosko Gee qui donne plus que jamais le rythme, presque reggae, des soli et des vocaux de Michael Karoli très inventifs, des claviers très majestueux, limite planants d'Irmin Schmidt. Un grand moment de musique.
Safe est le deuxième bon moment de la galette, on est toujours dans les cieux, la batterie de Jaki Liebezeit martèle un tempo efficace, les paroles de Karoli sont chantées, limite parlées ou murmurées, les guitares permettent de s'imaginer dans les airs, les claviers s'y font plus discrets mais renforcent un côté oppressant.
Le titre suivant, Sunday jam, aurait pu passer en discothèque à l'époque. A la limite du disco, ce titre, bien construit, n'est pas un morceau majeur de l'album. De même que Sodom, qui est sombre et toujours planant, que j'aurais bien vu pour la bande originale d'un obscur film noir allemand des années 70.
On retourne à une musique plus enlevée et dansante avec Aspectacle, qui s'inscrit bien dans son époque, marquée par le disco. Ce titre est bien plus inspiré que Sunday Jam et donne vraiment envie de taper du pied.
EFS No. 99 Can Can est une reprise sauce Can d'Orphée aux enfers de Jacques Offenbach, titre plus connu sous le nom de French Cancan. Ça surprend de prime abord, mais franchement, ça le fait grave, et on s'y croit vraiment. Michel Karoli est une fois de plus impérial à la guitare, et Schmidt apporte quelques bidouillages avec ses synthétiseurs qui rendent le tout plus moderne.
Ping Pong, ce sont des bruitages du jeu Pong, paru dans les années 70, un bon interlude avec ce qui suit, mais pas de quoi deviser là-dessus toute une journée. Can be, reprend le thème du French Cancan, du moins en partie, sur le même rythme, et le groupe innove une fois de plus à coups de guitares dératées et de synthétiseurs vengeurs.

Un bon album du groupe, qui n'atteint peut-être pas les sommets des albums nommés ci-dessus, mais qui vaut son pesant de cacahuètes. Dommage que le bassiste originel du groupe, Holger Czukay, n'ait pas joué dessus et qu'il se soit limité à un petite rôle dans la production de l'album. Il aurait pu rajouter le petit grain de folie qui aurait transformé ce bon album en grand album. Mais on ne peut réécrire l'histoire et il n'y a pas trop de regrets à avoir, car Can est un excellent album.

Dommage aussi que cet album, paru en 1979, soit le dernier avant une reformation 10 ans plus tard, et qu'il ait moins les faveurs des fans, principalement en raison de l'absence de Czukay.

Vous pouvez vous jeter dessus, c'est de la bonne musique, et avec un peu de chance et dans les bonnes circonstances, vous passerez peut-être pour un intellectuel! C'est l'album qu'il vous faut pour débuter doucement avec Can, avant de poursuivre avec les chefs-d'œuvres du calibre de Tago Mago.

mercredi 15 août 2012

Winger - Winger


Encore un groupe de glam, vous allez dire. Ben ouais. Mais à mon avis, celui-ci est l'un des plus intéressants des années 80. Arrivé vers la fin des 80's, Winger s'est voulu d'entrée de jeu plus élaboré que la plupart des groupes de glam. On est en effet loin de la simplicité de Poison dont j'ai déjà parlé par le passé. Le premier effort de Winger, et également le meilleur, publié en 1988, est en ce qui me concerne à classer à côté de fameux albums du genre tels Shout at the devil ou Appetite for destruction.

Bon, il est clair que l'on n'échappe pas à l'esthétique propre aux groupes de hard US de cette décennie. Mais on s'en fiche pas mal, let the music do the talking, comme on dit.
Et là, on s'aperçoit très rapidement que l'on a affaire à des musiciens particulièrement talentueux. Kip Winger, chanteur et bassiste, possède un grain de voix qui n'est pas sans me rappeler celle de Tony Martin, chanteur de Black Sabbath à la même période. Reb Beach est un dieu de la guitare qui n'a rien à envier à Mick Mars, Vito Bratta ou Warren DeMartini. Ses soli laissent pantois tout apprenti guitariste et ses rythmiques sont d'une efficacité à toute épreuve. Les deux autres membres, Rod Morgenstein (batterie) et Paul Taylor (claviers) sont aussi brillants que leurs deux collègues, ce qui n'augure que du bon pour la suite.

Et effectivement, c'est bien ce qui ressort à l'écoute de ce premier opus éponyme. Cela reste du hard US, comme beaucoup de groupes en faisaient en ce temps-là, mais avec un je-ne-sais-quoi qui fait la différence. Leur arrivée discographique tardive laisse à supposer que le groupe a pris le temps de bien faire les choses: en ressort une maturité incroyable, en tous cas bien supérieure à celle de la majorité des groupes du même style de l'époque.
En fait, il me vient à l'esprit un nom pour qualifier le son et l'ambiance de cet album: le Black Sabbath de l'époque Headless cross/Tyr. Notamment à cause du chant de Kip Winger et de la grande présence des claviers, je pense. C'est particulièrement évident avec des titres comme Hungry.
A vrai dire, on a affaire ici à du grand hard rock avec un petite pointe d'AOR. C'est du grand art et il est difficile de faire la fine bouche tant les morceaux proposés sont de premier choix. La triplette d'ouverture Madalaine, Hungry et Seventeen est d'une rare efficacité et d'une maturité impressionnante. Mais les autres titres ne demeurent pas en reste, loin de là: la reprise de Jimi Hendrix, Purple Haze, est interprétée avec conviction et le groupe n'hésite pas à y rajouter un soupçon d'originalité. Reb Beach y confirme plus que jamais qu'il est un grand guitariste.

Non, il est difficile de trouver à redire sur ce disque. Je veux bien admettre qu'un titre comme Without the night est une ballade sirupeuse dégoulinant de bons sentiments (qui a dit gnan-gnan?) et que Headed for a heartbreak a mal vieilli et fait preuve de longueurs. Mais de la part d'un groupe débutant à l'époque, deux fausses notes sur un ensemble de 11 titres, c'est plutôt pas mal. Tous les groupes ne peuvent pas se vanter d'un tel pourcentage de réussite.

Une réussite que le groupe n'arrivera pas à réitérer, cependant. La suite de leur carrière, sans être foncièrement mauvaise, ne parviendra pas à conquérir le public rock. Il faut bien dire que l'émergence du grunge n'a pas aidé non plus Winger à se frayer un chemin tranquille dans le monde du rock étant donné qu'il était de bon ton de tirer à boulets rouges sur les groupes de glam.

Reste un premier opus plus que convaincant, qui parviendra sans problème à attirer votre attention et à vous intéresser sur le long terme, à condition que vous lui laissiez sa chance.

mercredi 8 août 2012

Kraftwerk - Autobahn

Une récente découverte que ce disque. Moi qui suis habituellement captivé par des grosses guitares bien saturées, je suis tombé sous le charme de cette œuvre majeure, une référence pour tout fan de musique électronique qui se respecte.

Bien sûr, les Allemands de Kraftwerk ne sont pas les premiers à avoir créé de la musique rien qu'avec des synthétiseurs. Leurs compatriotes de Tangerine Dream, ou dans une moindre mesure, Can, ont ouvert la voie. Mais là où les membres de Kraftwerk, Florian Schneider et Ralf Hütter ont fait fort, c'est que cet album a eu du succès.

Autobahn se compose de cinq titres, une plage éponyme de plus de 22 minutes, et 4 autres titres compris entre 3 et 6 minutes. C'est bien sûr le thème principal, Autobahn, qui a le plus mes faveurs. Moi qui suis un germanophile convaincu, je ferme les yeux, j'écoute le disque et je me retrouve dans mes rêves sur une autoroute allemande. (Au fait, pour les non-germanophones, en allemand, autoroute se dit Autobahn...) De longues étendues de macadam à perte de vue, des paysages magnifiques à ma gauche et à ma droite...

Ce titre peut paraître traîner en longueur, mais c'est aussi ce côté hypnotique et monotone qui fait son charme. Les sons sont révolutionnaires pour l'époque et franchement, c'est une pure réussite. J'estime que la bonne musique doit faire rêver et rester intemporelle. Pari gagné à 200%

Les autres titres, face à ce monument, paraissent quelque peu anecdotiques. Cependant, ils font preuve d'une grande qualité et sont très bien construit. Là aussi, la musique rend compte fidèlement du thème abordé: l'espace (Kometenmelodie 1 et 2), l'obscurité (Mitternacht) et la campagne (Morgenspaziergang).

Une fois cet album sorti, la musique électronique a gagné ses lettres de noblesse et l'avenir a donné raison à ces deux gars de Düsseldorf, qui font aujourd'hui figure de pionniers. D'ailleurs, Kraftwerk a sorti par la suite d'autres pépites (Trans-Europe Express ou The Man Machine). D'autres artistes ont suivi la voie tracée par le duo allemand, je pense notamment à Jean-Michel Jarre.

Très fort. Tout simplement. "Fahr'n fahr'n fahr'n auf der Autobahn!"

mercredi 1 août 2012

Aerosmith - Aerosmith

Aerosmith, encore un nom qui a marqué la musique rock des 70's. Très inspirés par le rock des Rolling Stones et par le blues du Delta, les Américains ont écrit une des plus belles pages de la musique de cette décennie. La recette de leur succès tient en quelques mots: un chanteur doué et des hymnes facilement mémorisables. Leur premier album, paru en 1973, en est la parfaite illustration. Retour sur les débuts d'un géant du rock.

Aerosmith n'avait clairement pas les mêmes moyens qu'actuellement. Rien qu'à regarder la pochette, on comprend que ça va être cru, sale. Des adjectifs qui s'appliquent également à la production de cet album. On est encore très loin des moyens déployés sur Pump ou Nine lives. Pourtant, la pochette indique aussi une fraîcheur et une envie certaine d'en découdre qui se confirme tout au long de cet album.

Bien sûr, avec plus de 35 ans de recul, cet album n'a plus du tout la même saveur. Mais à l'époque, ce dernier affichait les ambitions de ce groupe en devenir. Ce premier montre comment on faisait du rock'n'roll. Il faut pour cela des riffs efficaces qui sentent bon la sueur. Prenez le titre d'ouverture, c'est basique, mais c'est efficace. On entend les amplis à lampe poussés dans leurs derniers retranchements. Du bon blues rock sérieusement malmené. tout simplement.
Somebody suit le même schéma, impossible de ne pas avoir envie de taper du pied. A noter le travail d'orfèvre que réalisent les guitaristes Joe Perry et Brad Whitford. Le chanteur Steven Tyler est omniprésent, son chant rageur ne fait qu'intensifier la force des compositions de ce disque.
Premier tube, Dream on. Une ballade au message optimiste, qui incite à se battre pour réaliser ses rêves. Excellent titre malheureusement gâché par une production vieillotte. Pire encore, un rappeur américain s'est emparé de cette chanson il y a quelques années. Aucun respect...
One-way street est un blues rock qui fleure bon le Delta. L'harmonica est de sortie. Titre éminemment sympathique, mais pas le plus mémorable. Tyler y fait cependant preuve d'une rare conviction. Mama kin est l'un des autres titres les plus connus d'Aerosmith. Le riff principal est génial, on sent qu'il y a de la gniaque, le groupe a vraiment envie de bouffer le monde. Un grand moment de rock, assurément.
Write me est un rock on ne peut plus classique. Extrêmement basique, ce morceau est selon moi le plus faible de cet album. On ne peut pas dire nul, loin de là (ce n'est Gene Simmons en solo non plus!) mais rien de particulier à signaler non plus.
Movin' out nous montre une nouvelle fois un duo de six-cordistes qui abat un travail énorme. Perry et Whitford nous livrent des riffs ciselés à la perfection. Le solo est magnifique, Joe Perry était clairement que l'on allait pas oublier de sitôt. Le batteur Joey Kramer et le bassiste Tom Hamilton, certes plus en retrait, sont néanmoins excellents. Sans eux, l'album n'aurait pas eu la même classe. Un titre qui n'a rien d'un classique, mais qui aurait dû le devenir. Il en avait largement le potentiel, en tous cas.
On conclut avec un Walkin' the dog, une reprise du bluesman Rufus Thomas. Au début, ce morceau paraît sombre, mais plus les secondes passent et plus on a affaire à du Aerosmith pur jus. A noter un refrain excellent mis en valeur par un Steven Tyler plus remonté que jamais.

Aerosmith a pâti d'une production moyenne pour son premier album, mais les titres de qualité sont déjà au rendez-vous. En un album, Aerosmith avait posé les bases du hard rock à l'américaine. Belle performance. Et ce n'était là que le début. Le groupe allait mettre le monde à genoux avec des albums comme Get your wings, Toys in the attic (qui contient le célèbre Walk this way) ou Rocks.

Mais ceci, c'est une tout autre histoire que j'évoquerai prochainement. En attendant, redécouvrez cet album qui dégage une puissance hors-norme.